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La sédimentation dans les archives


Dans un article récent publié dans la revue Archivaria, l’archiviste italien Marco Bologna rend compte d’un concept qui fait partie « de la tradition italienne des études en archivistique », soit celui de la sédimentation dans les archives.

Ce concept (Figure 1) part du postulat que les archives ne sont pas le résultat d’un processus « naturel » mais des entités dynamiques « that are continually reshaped by the actions of subsequent generations of users and custodians. » En fait, les archives sont l’objet d’une sédimentation, tant au plan matériel que fonctionnel ou temporel. Bref, les archives sont historiques, tout comme leur utilité à travers les époques. Ainsi, la sédimentation inclut « any and all actions performed on the records in question by the creator of said records as well as by all others, including those who will have maintained and transmitted them over time for future generations. » De plus, « Any subsequent user or scholar will also contribute to the sedimentation of these records ».

Les archives ne sont pas le résultat d’un processus naturel
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Les archives sont des entités dynamiques
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Les archives sont l’objet d’une sédimentation
Matérielle
Fonctionnelle
Temporelle
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Les archives sont historiques, tout comme leur utilité
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Toute utilisation des archives contribue à leur sédimentation

Figure 1 : Le concept de sédimentation dans les archives. Source : Bologna, 2017.

Bref, « les archives sont en fait le résultat de la rencontre entre un utilisateur, c’est-à-dire son champ de connaissances, sa culture, son univers en quelque sorte, et le document, soit sa matérialité, son contexte et son contenu. » 1D’où la possibilité d’une recontextualisation des archives. À titre d’exemple, « The same records once safely enshrined within an archival arrangement and descriptive regime that affirmed Canadian sovereignty over land and history are recontextualized within a narrative of historic accountability to, and healing of, Indigenous peoples. » À ce propos, voir l’article « Les archives photographiques en mouvement » .

Dans sa conférence d’ouverture au XXVIe Congrès de l’Association des archivistes du Québec (AAQ) en 1997, Jean-Pierre Wallot, l’archiviste national du Canada et le président sortant du Conseil international des archives, qualifiait cette rencontre d’ « angoisse existentielle » :

[C]haque génération et, à l’intérieur de chacune, chaque groupe projette sa propre angoisse existentielle sur le corpus documentaire et tente de repérer des filons de continuité, des racines, des rationalités permettant d’organiser le monde qui nous entoure et de lui conférer un sens, de fixer des assises à une culture ou à une situation particulière.

Et il ajoutait que cette « réinvention du monde », cette réappropriation de l’univers qui nous entoure est, d’un point de vue archivistique, essentielle car « Autrement, les archives seraient véritablement mortes ».

Mais alors pourquoi les archivistes, tout en reconnaissant les multiples effets de la sédimentation sur les archives, sont-ils peu enclins à prêter attention à cette rencontre, à l’étape de l’exploitation des archives2« Understanding the uses of records is incomplete without understanding what those uses have been, what they have not been, and thus what they might possibly be. » ? Une hypothèse, assurément l’une parmi d’autres3Comme la mission culturelle qui porte atteinte à la mission scientifique ou bien la pratique de la documentation qui se développe au détriment de l’archivistique dans les organisations. À ce propos, voir la section « Nous devons nous adapter au monde de 1982 ». vient de la distinction, de la nécessaire opposition entre les préoccupations de l’archiviste et celles de l’historien. Comme le souligne Terry Cook, pour les archivistes, c’est le « quoi » et le « comment », c’est-à-dire le contexte de création qui leur importe alors que pour les historiens c’est le « pourquoi », leur interprétation qui prime :

[A]rchivists did not get behind the procedures, methods, and technologies of archival work to probe its deeper meaning, which is the study of records and their relationship to society at large. Historians will not do this; they are interested in the factual content and interpretation of records, not in the actual nature of the records themselves. But archivists can undertake such study: indeed, it is the natural culmination of their work4« Archival research must not be confused with historical research. The goal of archival research is to understand the nature of an institution and its documentary problems. Historical research, on the other hand, is a process of answering specific questions through the interpretation of sources. » .


Bibliographie

  • 1
    D’où la possibilité d’une recontextualisation des archives. À titre d’exemple, « The same records once safely enshrined within an archival arrangement and descriptive regime that affirmed Canadian sovereignty over land and history are recontextualized within a narrative of historic accountability to, and healing of, Indigenous peoples. » À ce propos, voir l’article « Les archives photographiques en mouvement » .
  • 2
    « Understanding the uses of records is incomplete without understanding what those uses have been, what they have not been, and thus what they might possibly be. »
  • 3
    Comme la mission culturelle qui porte atteinte à la mission scientifique ou bien la pratique de la documentation qui se développe au détriment de l’archivistique dans les organisations. À ce propos, voir la section « Nous devons nous adapter au monde de 1982 ».
  • 4
    « Archival research must not be confused with historical research. The goal of archival research is to understand the nature of an institution and its documentary problems. Historical research, on the other hand, is a process of answering specific questions through the interpretation of sources. »